Au Cameroun, le Plan Communal de Développement (PCD) est le document de référence qui fixe les projets prioritaires de développement à l’échelle d’une Collectivité locale, pour une période de 5 ans. Il s’agit d’un instrument de programmation des investissements et d’aménagement du territoire au niveau local. Il est institué par la loi la loi du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation, suivie par des textes de portée règlementaire et reprise par le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées (CGCTD) en ces termes : « les plans communaux (…) sont élaborés en tenant compte des plans de développement et d’aménagement nationaux (…) ».
Bien que ce ne soit pas toujours le cas, le PCD devrait a priori correspondre à une mandature municipale, afin de traduire la vision et les orientations stratégiques du Conseil municipal élu. Il sert en tous les cas de guide pour la mobilisation des financements et des partenariats en vue de la réalisation des projets identifiés. Pour la Commune de BAHAM, le PCD actuellement en vigueur a été validé par les Autorités locales[1] le 29 juillet 2022, soit environ 18 mois après la prise de fonction du Conseil municipal actuel.
Depuis 2018, la Fondation Emile Watchueng pour le Développement local (FDL) conduit la phase de gestion transitoire du service de l’eau potable à Baham en partenariat avec l’Association française CODEA (Communes et Développement en Afrique), dans le cadre du projet d’Approvisionnement en Eau Potable, Assainissement et Hygiène (AEPAH) en cours dans les villages Djemgheu et Chengne, et porté par CODEA. Le service de l’eau, dont les infrastructures ont été mis en place sur la période 2012-2017, dessert actuellement plus de 200 abonnés. Il est constitué des ouvrages suivants :
- Trois forages d’une capacité de production d’eau potable de 16m3/h ;
- Cinq réservoirs principalement sur le plateau de Chengne à plus 1860m d’altitude, d’une capacité de stockage cumulée de 370m3, dont un réservoir de tête de 170m3 ;
- Un réseau de distribution de plus de 40km de canalisations allant du DN160 au DN63, et permettant l’alimentation en eau potable des ménages à domicile (un potentiel de 300 branchements), ainsi que la desserte via 18 bornes fontaines disséminées dans les différents quartiers de ces deux villages pilotes.
Le système actuel dispose d’un potentiel d’extension qui pourrait à terme couvrir, de proche en proche, l’ensemble de la Commune de Baham.
Quel est le diagnostic de la situation en matière d’accès à l’eau potable à Baham selon le PCD ?
D’entrée, la fiche signalétique du PCD fait état, d’un réseau d’adduction d’eau CDE peu étendu, et plusieurs forages et puits dont un certain nombre non fonctionnel. Le tableau de synthèse de la situation dite de référence (tableau 13, page 48) indique ainsi 12 « adductions d’eau »[2], dont 1 en centre urbain et 11 en zones rurales.
Puis, cartographie à l’appui, les principales infrastructures « hydrauliques » recensées dans la Commune de BAHAM par le PCD, et désignées par l’expression « points d’eau » sont listées, tel que résumé dans le tableau ci-dessous (tableau 18, page 52) :
Ainsi, la seule « adduction d’eau » urbaine étant celle de CAMWATER, l’on en déduit d’après ce diagnostic que 5 adductions d’eau rurales sont considérées comme étant en « bon état de fonctionnement », tandis que 6 sont à réhabiliter.
Selon le PCD, on recensait ainsi 20 points d’eau en bon état de fonctionnement à Baham, ainsi qu’un réseau CAMWATER dans les 2 quartiers de l’espace urbain et les quartiers périurbains (Tableau 39, page 265), dans sa publication du 29 juillet 2022. Le PCD faisait ainsi état d’un exceptionnel niveau d’accès à l’eau potable dans la Commune de BAHAM, évalué à 74,07%. Autrement dit, d’après le PCD, pratiquement 3 ménages sur 4 disposeraient de l’eau potable à Baham !
Présentation des investissements prioritaires du PCD en matière d’accès à l’eau potable
Partant de ce diagnostic improbable et en réponse aux difficultés d’accès à l’eau potable dans la Commune de BAHAM pour seulement 26% des ménages si l’on s’en tient aux chiffres énoncés, le PCD dit souscrire à la stratégie sectorielle formulée par la Stratégie Nationale de Développement à l’horizon 2030 (SND30) : « décentralisation de l’approvisionnement public de l’eau potable, création d’un cadre favorable à l’installation des sociétés privées de production et de distribution d’eau potable dans les localités non couvertes par le réseau public ».
Il compte ainsi porter l’impressionnant taux d’accès actuel de 74,07% à une valeur encore plus exceptionnelle, de 81,35%, à l’horizon 2027. Ceci grâce prioritairement à :
- La réalisation de son action n°1, « facilitation de l’accès à l’eau potable dans la Commune de BAHAM » qui consisterait à l’horizon 2027, en la concrétisation de trois adductions d’eau (Baghom, Kaffo et Mboukue, Tableau 43, page 274), avec un financement du MINDDEVEL[3], et pour un budget prioritaire de 125 millions (tableau 37, page 251) :
- BAGHOM, 2023, 50millions de FCFA ;
- KAFFO (captage d’eau de Sekem, gravitaire), 2024, 30millions de FCFA ;
- MBOUKUE, 2024, 45millions.
- Cette action n°1 qui comprend également l’extension du réseau CAMWATER dans 4 villages, est complétée par une série d’autres initiatives de seconde priorité, résumées comme suit :
- La création de 24 points d’eau potable ;
- La réhabilitation de 10 forages ;
- La construction et la réhabilitation de 10 châteaux d’eau ;
- La réhabilitation de 02 puits ;
- L’organisation de 03 sessions de formation des populations sur les techniques de traitement de l’eau à faible échelle tenues ;
- La mise en place de nouveaux Comités de gestion des points d’eau (COGES) et la redynamisation des anciens.
Une analyse par village fait ressortir les projets suivants (tableau 35, page 236) :
VILLAGE | PROJETS EAU ET ASSAINISSEMENT INSCRITS DANS LE PCD 2022-2027 |
BAGHOM | Adduction d’eau à BAGHOM Aménagement de la source située HAMS FODJO Aménagement de la source située chez TAGNE GUIAM |
BAHIALA | Aménagement d’un point d’eau potable au centre de santé intégrée Aménagement d’un point d’eau à l’école primaire Bilingue Construction d’un bloc toilettes au marché |
BAHO | Construction d’un point d’eau à MEUAIN |
BANKA | Aménagement d’un point d’eau à BANKA près de la Chefferie |
BAPI | Aménagement d’une borne fontaine au Bloc 2 Aménagement d’un bloc de toilette au CSI Construction d’un bloc de toilettes à l’Ecole Publique Bilingue Aménagement d’une fosse septique au CSI de BAPI |
BATOSSOUO | Aménagement d’une fosse septique au Centre de santé Construction d’un bloc de toilette au CSI |
CENTRES ADMINISTRATIF /COMMERCIAL | Aménagement d’une AEP au Centre commercial Réalisation d’un forage avec la construction d’un château derrière la Gendarmerie Construction d’un bloc de 02 toilettes au Lycée Bilingue |
CHEFFOU | Aménagement d’un point d’eau à PENKWA |
CHENGNE | Aménagement d’un point d’eau chez SOUOP TEKU DJENGUIA Aménagement d’un point d’eau au Marché de DEMDJOUE Aménagement d’un point d’eau à l’Ecole Publique de CHENGNE |
DEMGO | Aménagement de la source d’eau de DEFFO KOUAM Aménagement de la source d’eau de TAMDEM TCHUENKAM Construction d’un bloc de 02 latrines à l’Ecole Publique Bilingue |
DJEMGHEU | Aménagement d’un point d’eau au Lycée technique de BAHAM Construction d’un bloc de 02 toilettes à l’EM Réhabilitation des bornes fontaines existantes |
KAFFO | Adduction d’eau gravitaire (captage d’eau) de SEKEM |
LAGWEU | Néant |
MEDJO | Aménagement d’un point d’eau au Lycée de MEDJO |
MBOUKOUE | Adduction en eau potable dans le village Aménagement de la source qui se trouve chez Té DEFFO KOUO DZUGUIA |
NGOUGOUA | Réhabilitation de 10 bornes fontaines (Chefferie, CSI, Ecole Catholique Saint Georges de TOGOUGOUA) Construction d’un point d’eau chez WAFO KOUAM Construction d’un point d’eau à côté de la maison blanche (Mbi) Réhabilitation du point d’eau situé au foyer communautaire Extension du réseau de captage d’eau au Carrefour MASSA CRE et au Carrefour YOMGNE |
POUMZE | Construction d’un point d’eau à l’EM de POUMZE Construction d’un point d’eau potable au Centre de Sante EEC de LIEGNE |
Des initiatives concrètes immédiatement engagées sur cette base par la Commune de BAHAM
A la suite de l’élaboration du PCD, des projets de terrain ont ainsi été engagées dès septembre 2022 par la Mairie de Baham, confirmant une orientation en faveur des microprojets. Une liste de projets prioritaires a notamment été soumise par la Mairie à la Société d’actions prioritaires intégrées de développement agricole au Cameroun (SAPIDACAM S.A., projet Banane-Plantain). Il s’agit d’un projet de construction de mini-adductions d’eau potable de 3m3, équipées d’un forage alimenté d’une pompe solaire, au bénéfice des localités suivantes : centre administratif, Hiala, Bapi, Baho, Medjo, Banka, Poumdze, Ngougoua, Djemgheu, Chengne, Baghom, Kaffo, Batossouo, Lagweu, Cheffou, Mboukue. Le délai d’exécution était de 4 mois.
L’on note cependant (Voir tableau ci-dessous) que sur les 24 forages proposés par la Commune de BAHAM à SAPIDACAM, 14 (58,33%) sont effectivement tirés des PCD, tandis que les 10 autres sont des choix « souverains » de la Mairie (41,33%)[4].
N° | Désignations | Village | Référence PCD (page) |
1 | Réalisation d’un forage derrière la Gendarmerie | Centre administratif | 239 |
2 | Réalisation d’un forage à l’école publique du Centre | Centre administratif | |
3 | Réalisation d’un forage au CSI de Hiala | HIALA | 240 |
4 | Réalisation d’un forage à l’école primaire bilingue de Hiala | HIALA | 240 |
5 | Réalisation d’un forage au bloc 2 à Bapi | BAPI | 241 |
6 | Réalisation d’un forage à Meuian | BAHO | 243 |
7 | Réalisation d’un forage au Lycée de Medjo | MEDJO | 244 |
8 | Réalisation d’un forage au carrefour KAMDEM DAVID | MEDJO | |
9 | Réalisation d’un forage à Banka près de la Chefferie | BANKA | 245 |
10 | Réalisation d’un forage à l’EM de Poumze | POUMZE | |
11 | Réalisation d’un forage autour de la concession KOUONCHOU MAP à Topoumze | POUMZE | 246 |
12 | Réalisation d’un forage chez WAFO KOUAM | NGOUGOUA | 247 |
13 | Réalisation d’un forage à côté de la Maison blanche (Mbi) | NGOUGOUA | 247 |
14 | Réalisation d’un forage au Lycée technique | DJEMGHEU | 247 |
15 | Réalisation d’un forage derrière l’Ecole publique de Djemgheu autour de la concession KAMDEM JEANNETTE | DJEMGHEU | 249 |
16 | Réalisation d’un forage chez SOUOP TEKU DJENGUIA | CHENGNE | 249 |
17 | Réalisation d’un forage à l’EP de Chengne | CHENGNE | 249 |
18 | Réalisation d’un forage au premier dos d’âne avant CHALEUR | BAGHOM | |
19 | Réalisation d’un forage à l’entrée MAYOR BUE TEKWOUA | KAFFO | |
20 | Réalisation d’un forage à l’école publique de Kaffo | KAFFO | |
21 | Réalisation d’un forage à KAM-SA’ADJA | BATOSSOUO | |
22 | Réalisation d’un forage au carrefour TADOMGUIA | LAGWEU | |
23 | Réalisation d’un forage autour de la chefferie CHEFFOU | CHEFFOU | |
24 | Réalisation d’un forage à la montée MAFFO GAYAP | MBOUKUE |
Il serait intéressant de faire le bilan à date de ces microprojets, dont la réalisation devait être achevée au plus tard en janvier 2023, et dont plusieurs seraient déjà inopérants, moins de deux années seulement après le lancement de cette opération…
Lecture critique du PCD : sept (7) constatations majeures attestant à la fois d’un mauvais encadrement de la problématique et de l’inconséquence des solutions envisagées
Pour un document de programmation d’une telle importance, dans la mesure où il fige les priorités stratégiques pour les 5 prochaines années, l’on pourrait s’étonner à la fois de la légèreté du diagnostic qui sous-tend sa conception d’une part, et d’autre part de son orientation manifeste pour des solutions ponctuelles, localisées voire individualisées, et sans aucune envergure territoriale. Le PCD ne s’appuie ainsi sur aucune démarche de planification sérieuse qui permettrait d’intégrer à la fois les défis actuels et futurs, dans l’espace et dans le temps.
Dans le détail, sept (7) constatations majeures peuvent être faites à la lecture de ce PCD sur la thématique de l’accès à l’eau potable :
- Un taux d’accès à l’eau potable de départ imaginaire : le diagnostic de la situation actuelle, que le PCD indique avoir été élaboré de manière participative, peut en effet surprendre. Il suggère un exceptionnel taux d’accès à l’eau potable de 74,07% à BAHAM. Un taux qui serait ainsi largement au-dessus de la moyenne nationale (34% en milieu urbain et 43,5% en milieu rural). Même en considération des concepts minimalistes d’EPE (Equivalent Point d’Eau), il est impossible d’aboutir à de telles statistiques. Dans le meilleur des cas, la situation actuelle de l’accès à l’eau potable serait quasiment à l’inverse de ce qui est ainsi annoncé. Or partant de ce diagnostic erroné, le PCD vise désormais un taux encore plus impressionnant à l’horizon 2027, soit 81,35% !!! ;
- Des références technico-économiques douteuses : pour les cinq prochaines années, le PCD propose un listing à la Prévert de microprojets ne reposant sur aucune base technico-économique sérieuse, aux options techniques toutes aussi douteuses et inconséquentes que les budgets associés, pour résorber le gap lui-même extrêmement sous-évalué en vue de l’atteinte de l’accès universel à l’eau potable dans la Commune de BAHAM ;
- Un enfermement dans des pratiques anciennes et sans aucune prise en compte des limites de telles solutions : le PCD ne semble ainsi tirer aucune leçon du passé, et ne prend vraisemblablement pas en compte la problématique de l’entretien et de la maintenance des ouvrages dans le cadre d’un véritable service de l’eau, pourtant à l’origine de l’arrêt de nombreux systèmes, y compris des installations telles que celles de Scanwater[5]. En privilégiant de microprojets sans envergures, le PCD ne souhaite pas saisir les opportunités d’économie d’échelle dans le cadre d’une vision d’ensemble sous des contraintes topographiques locales, et ne vise absolument pas l’installation de véritables services marchands pour assurer la desserte en eau. Il pari au contraire, de façon implicite, sur la gratuité du service et une gestion communautaire à l’ancienne, malgré les nombreux échecs.
- La promotion de quelques projets d’AEP, avec cependant des moyens inconséquents : lorsque le PCD évoque des systèmes d’Adductions en Eau Potable (AEP), les enveloppes budgétaires prévues témoignent à elles-seules de leur incohérence. La SND30 invite pourtant à intégrer désormais la dimension marchande du service de l’eau, y compris au niveau local, tout en respectant les capacités à payer des usagers ; et à miser sur des infrastructures conséquentes bien que décentralisées, quitte à en phaser les investissements, dans une démarche de Partenariat Public-Privé (PPP).
- Un pari anormalement optimiste sur une extension des réseaux CAMWATER : la seule perspective pour des réalisations conséquentes concerne les extensions du réseau de la CAMWATER, pour lesquelles le PCD se dote de moyens dans le but de mener des actions de lobbying, dans l’optique d’une programmation par la CAMWATER d’investissements à cette fin. L’on peut s’étonner de l’utilisation qui sera faite des montants programmés à cette fin (environ 2millions de FCFA). De surcroit, une telle perspective semble hypothétique dans le contexte actuel, marqué par des difficultés pour CAMWATER d’assurer un service de qualité dans le faible périmètre urbain déjà couvert par ses réseaux. Ce d’autant plus que cet opérateur national a déjà suffisamment à faire dans les principales villes du pays où la qualité de service est préoccupante, y compris dans la capitale Yaoundé. Et même si la ressource en eau venait à être disponible à Baham, il conviendrait de miser davantage sur des initiatives de type Contrat-plan entre la Commune de Baham et la CAMWATER en vue du déploiement d’un programme d’extension dans les limites de sa couverture topographique[6], plutôt que sur des actions illusoires de lobbying aux objectifs et résultats peu probables.
- L’omission surprenante de la seule réalisation d’envergure à l’échelle de BAHAM : l’on relève, avec étonnement, qu’aucune mention particulière n’a été faite par le PCD des infrastructures actuellement gérées par la FDL à Djemgheu et Chengne ; la FDL n’a d’ailleurs pas été associée au diagnostic « participatif » de la situation actuelle réalisé par le PCD.
L’analyse des projets prévus par le PCD pour les 5 prochaines années dans les villages Djemgheu et Chengne, mais également dans les villages au voisinage immédiat du réseau existant (Bapi, Baho, Baghom, Ngougoua, etc.), et même dans le centre urbain, confirme la non prise en compte, pour une raison non identifiée, de ces infrastructures significatives et leur potentiel d’extension :
- A Djemgheu par exemple, le PCD prévoit la réhabilitation de bornes fontaines, ainsi que l’aménagement d’un point d’eau au Lycée technique…
- A Chengne, l’aménagement de trois points d’eaux sur un territoire pourtant couvert par un réseau de distribution d’eau courante…
- Etc.
Or de simples branchements au réseau existant et/ou de petites bretelles d’extension, sont désormais nécessaires pour disposer d’une eau potable de qualité en continue à tous points de ces villages et même dans le centre urbain, et ce moyennant des investissements dérisoires pour des solutions définitives, comparés aux importants budgets envisagés par le PCD pour des solutions précaires. Par ailleurs, la problématique des bornes fontaines est beaucoup plus complexe que ce qui semble trotter dans les esprits non avertis. La FDL a par exemple lancé depuis septembre 2023 un branchement social de 1m3 à 1000FCFA/mois, qui a un franc succès auprès des ménages, avec déjà une centaine de branchements réalisés en quelques mois. Contrairement aux attentes, les populations préfèrent largement cette formule aux bornes fontaines, et des campagnes promotionnels sont désormais régulièrement organisées par la FDL pour alléger les frais de branchements.
La non-prise en compte du système de Djemgheu-Chengne dans le diagnostic établi par le PCD est d’autant plus surprenante qu’une démarche sérieuse et de terrain n’aurait pas pu passer à côté d’une telle évidence. Elle aurait au contraire permis de relever les opportunités de densification des branchements que les infrastructures existantes permettent, de même que les possibilités d’extension désormais possibles dans une démarche de proche en proche, avec à terme l’opportunité de doter BAHAM d’un service moderne d’eau potable, complémentaire à celui de la CAMWATER, limité de fait par des contraintes topographiques. La FDL dispose en effet de tout un programme structuré, le PERDEP (Programme d’Extension du Réseau de Distribution de l’Eau Potable), avec dans son portefeuille une série de projets d’extension ayant déjà fait l’objet d’études de faisabilité chiffrées, et dont certains sont en phase de recherche de financements[7]…
De façon opérationnelle et pratique, le PERDEP suggère en effet une extension du service selon une approche successive, par groupe de villages :
- Prioritairement vers les localités transfrontalières du système existant, et pouvant être prises isolément : Bapi, Baho, Baghom, Batossouo, et Ngougoua
- Vers la Zone CENTRE, à fort potentiel économique et intégrant le centre administratif et commercial, à partir de Djemgheu (Lym-Nord) ou de Baghom ;
- Vers la DORSALE EST, dès lors que Ngougoua ou Batossouo seront déjà raccordés : cette extension intègre les villages Kaffo, Cheffou et Medjo ;
- Vers la DORSALE OUEST, dès lors que Bapi ou le centre administratif et commercial seront déjà raccordés : elle comprend les villages Banka, Lagweu et Poumze ;
- Vers la Zone NORD, via Batossouo, via le centre administratif ou via Medjo : cette zone comprend les villages Hiala, Boukue et Demgo.
7. Un arrimage de façade aux orientations stratégiques fixées par la SND30 : alors qu’il annonce d’entrée se conformer à une orientation stratégique forte de la SND30 en matière d’accès à l’eau potable, à savoir la « décentralisation de l’approvisionnement public de l’eau potable et la création d’un cadre favorable à l’installation des sociétés privées de production et de distribution d’eau potable dans les localités non couvertes par le réseau public », le PCD de Baham ne propose en réalité aucun projet, ni aucune approche qui permettraient de sortir des sentiers battus de microprojets, notamment de « forages », saupoudrées et sans lendemain, malgré la volonté affichée de réveiller les Comités de Gestion de points d’eau (COGES). Pour mémoire, les trois axes stratégiques formulées par la SND30 adoptée en 2020 par le Gouvernement camerounais sur cette thématique à l’échelle nationale peuvent être résumées dans le graphique ci-dessous :
Cette vision stratégique nationale consacre désormais le caractère marchand du service de l’eau y compris dans les zones rurales, et promeut clairement la gestion du service par des opérateurs privés, de même que le partenariat avec les collectivités locales, tel que le prévoyaient déjà les lois sur la décentralisation de 2004, sur la thématique de la gestion déléguée des services publics : une orientation déjà engagée à BAHAM depuis 2012, dans le cadre spécifique du projet AEPAH de Djemgheu et Chengne porté par l’Association française CODEA, et dont la phase actuelle de gestion transitoire du service de l’eau est actuellement assurée par la FDL.
L’urgence d’une mobilisation des énergies et des moyens à la hauteur des enjeux, pour la généralisation du service de l’eau potable à Baham
Dans un tel contexte, il s’agit de consolider les acquis du système pilote opérationnel à Djemgheu et Chengne. Le réseau alimente désormais plus de 200 ménages, et ce chiffre ira grandissant avec la programmation dorénavant régulière de campagnes promotionnelles de branchements sociaux par la FDL. Ce système pourrait ainsi constituer la matrice d’un service d’envergure pour l’accès universel à l’eau potable à Baham. Il conviendrait en effet de promouvoir avec détermination des alternatives d’extensions de réseaux au détriment d’options minimalistes qui semblent encore privilégiées dans le PCD.
Plus d’un demi-siècle après les indépendances et la désignation des premiers administrateurs municipaux de Baham en 1962, 32 ans après l’érection de Baham en Chef-lieu du Département des Hauts-Plateaux en 1992, les populations de Baham, qui pâtissent encore de l’absence d’un véritable service de l’eau potable, méritent mieux que de petites solutions bricolées et à l’ancienne. Elles doivent être informées de la faisabilité technico-économique d’options modernes, désormais à leur portée et à moindre coût ; de même qu’elles devront être sensibilisées aux principaux enjeux critiques qui les concernent directement, pour en garantir la durabilité (sécurisation des ouvrages, prix du service de l’eau, gestion de la ressource en eau, etc.).
Des actions spécifiques de mobilisation devraient également être engagées spécifiquement en direction des élites locales, des autorités traditionnelles et de la société civile locale, sur des thématiques majeures telles que le financement et le montage financier de tels projets identifiés dans le cadre d’un véritable plan directeur, la péréquation tarifaire pour garantir l’accès à l’eau potable aux plus défavorisés, la gouvernance et en particulier la régulation locale du service de l’eau, etc. ; afin que ces options sérieuses soient désormais privilégiées par les décideurs locaux, en lieu et place de modalités d’un autre âge et paradoxalement coûteuses : une nécessité pour garantir un accès durable et à moindre coût à la précieuse ressource pour le plus grand nombre, à l’échelle de toute la Commune de Baham, et dans un délai raisonnable.
Fait à Baham, le 13 mai 2024 (Usagers.eau@fdl-asso.org)
[1] Le Maire de la Commune de Baham, le Délégué Départemental du MINEPAT des Hauts-Plateaux, et le Préfet du Département des Hauts-Plateaux
[2] L’adduction d’eau regroupe les techniques permettant d’amener l’eau depuis sa source à travers un réseau de conduites ou d’ouvrages architecturaux (aqueduc, qanat) vers les lieux de consommation. Elle peut être gravitaire (recours à la force de la gravité pour le transport de l’eau) ou par refoulement (acheminement de l’eau à l’aide de pompes). Elle suppose donc la présence d’une source d’eau (notamment un forage équipé d’un système de pompage, ou un plan d’eau), d’un réseau de transport constitué notamment de canalisations et de vannes, de réservoirs de stockage de l’eau, et d’un réseau terminal de distribution de l’eau aux consommateurs finaux (domicile, école, centres de santé, etc.) ou via des bornes fontaines.
[3] Ministère de la Décentralisation et du Développement Local
[4] Liste des forages proposés par la Commune de Baham et devant être réalisés par « SAPIDACAM ». Services techniques de ma Mairie de Baham.
[5] Lancé au début des années 80, il s’agissait d’un projet de construction par l’Etat camerounais de 365 stations identiques (forage, pompe, groupe électrogène, filtration et chloration, alimentant un réseau et quelques bornes fontaines), selon une logique « du haut vers le bas », pour un investissement total de l’ordre de 76.224.509€, entièrement financé par l’Etat. A BAHAM, les villages Chengne et Ngougoua ont bénéficié de ces installations, depuis longtemps à l’arrêt pour défaut de ressources pour le fonctionnement (carburant) mais aussi l’entretien et la maintenance.
[6] Avec par exemple une aide du FEICOM dans le cadre du CAPIC (Cadre Particulier d’Investissement pour les Communautés Urbaines et les Communes à fort potentiel). Il s’agit d’un mécanisme de financement proposé par le FEICOM aux Collectivités Territoriales Décentralisées et qui consiste en un prêt concessionnel octroyé avec les conditions suivantes : taux d’intérêt de 6% sur une période maximale de 20ans, prise éventuelle de participation ou apports de garantie.
[7] Ngougoua et Dorsale Est, Baghom et Centre urbain, Lym-Nord et Centre urbain, etc.
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