La FDLmob est le service de mobilité rurale de la Fondation Emile Watchueng pour le Développement Local (FDL). Son action se fonde sur un ensemble de travaux d’études réalisées à l’échelle des Hauts-Plateaux par le cabinet d’expertise EED.
MAUVAISE QUALITE DU RESEAU ROUTIER ET FAIBLESSE DES SERVICES DE TRANSPORT
Le déplacement des biens et des personnes est une problématique critique dans les Hauts-Plateaux. Le réseau routier qui est en majorité composé de routes en terre (355,4 km) contre 56,3 km de routes bitumées est de mauvaise qualité. Une enquête menée auprès des personnes aux générateurs révèle par exemple que 63% de la population de Baham juge l’état des routes très mauvais. De plus, les quartiers d’habitat (on en compte 232 dans le Département) sont localisés dans la profondeur des territoires et les populations peinent à accéder aux infrastructures sociales, aux marchés et aux bassins de productions agricoles. Le mauvais état des pistes qui rejoignent des routes secondaires ou principales ne favorise pas l’accessibilité aux voitures clandestines ou aux motos-taxis surtout en saison pluvieuse.
Les taxis collectifs sont de moins en moins nombreux, et les mototaxis se positionnent de plus en plus comme un rempart essentiel, particulièrement pour le transport des personnes. En effet, sur l’ensemble des Hauts-Plateaux, les modes de déplacement préférés sont en moyenne de 37% pour les taxis collectifs, 35% pour les mototaxis et 11,5% pour la marche à pied. Aux extrêmes, Baham est la Commune où l’on se déplace le plus à pied (23%), tandis que la Commune de Bamendjou, vaste territoire constitué à la fois des groupements de Bahouan, Bameka, Bamendjou, et Bangam, détient à la fois le record des préférences pour les taxis clandos (49%) et pour les mototaxis (42%). Batié se caractérise quant à elle par une proportion relativement élevée des préférences pour les déplacements en véhicule personnel (13%), qui surpassent d’ailleurs la marche à pied (10%) dans cette Commune réputée pour son relief accidenté. Baham et Batié sont les deux seules Communes où l’intérêt pour les déplacements en mototaxis est en moyenne supérieur à celui relatif aux taxis clandestins.
Cependant, l’activité prometteuse de mototaxis, mal organisée et peu encadrée, est fortement perturbée par différents problèmes : faiblesse des regroupements, fonctionnement le plus souvent dans la clandestinité et dans un anonymat collectif propice à l’infiltration de personnes malveillantes, discrédit de fait de l’ensemble de la profession, mauvaise organisation du service par une concentration de l’offre uniquement sur de grands carrefours et au niveau des marchés (hebdomadaires), avec pour conséquence un accès difficile pour les populations en provenance de l’hinterland. Pour ces quartiers excentrés, les temps moyens d’attente pour avoir une mototaxi peuvent s’étaler sur plusieurs heures.
Le cadre institutionnel ne facilite pas la définition d’une stratégie cohérente d’organisation et de gestion des transports locaux. Plusieurs acteurs interviennent, et l’on observe une absence de lisibilité dans les rôles et les compétences des différentes administrations en charge des routes et des transports, qui vient se superposer à la faiblesse de l’organisation des acteurs des différentes filières, etc. Une situation qui ne favorise pas l’amélioration des services de transports, et en particulier une meilleure organisation des mototaxis.
DIFFICULTES DE DEPLACEMENT RENFORCEES PAR LE COUT ELEVE DU TRANSPORT
Il ressort de travaux de terrain que si la mototaxi fait l’unanimité en raison de son aspect pratique, le tarif du transport, – dont la fixation aléatoire prend en compte différents paramètres tels que la distance à parcourir, le jour de la semaine, l’état de la route, le type de saison, l’heure et les éventuels bagages à transporter -, est cependant jugé trop élevé et prohibitif. Si les coûts des déplacements à proximité des pôles de développement proches des places centrales sont jugés abordables, l’accès aux quartiers excentrés reste problématique, l’éventualité d’un retour à vide pouvant considérablement renchérir le tarif du transport. De 200 FCFA pour moins de 3km en saison sèche, ce tarif peut ainsi atteindre 1500 FCFA au-delà de ce rayon et en saison de pluie.
ACCES RESTREINT AUX SERVICES DE BASE ET AUX OPPORTUNITES ECONOMIQUES
Si les déplacements durant les jours ordinaires sont déjà assez difficiles, voire fortement contraints par une offre limitée à des coûts parfois rédhibitoires, les week-ends et leurs cérémonies traditionnelles (deuils, funérailles,…), sont encore plus compliqués. La demande en matière de transport explose avec notamment l’arrivée des habitants des grands centres urbains (Douala, Yaoundé, Bafoussam, etc.) et plus généralement de la diaspora nationale et même internationale.
Pour une population qui se situe aujourd’hui au minimum à 150.000 habitants, il est difficile de satisfaire la demande de transport en base, avec un parc moyen de 900 mototaxis et de quelques taxis collectifs qui stationnent le plus souvent au niveau du centre-ville ; c’est encore plus difficile les jours de pointes que sont les week-ends. Ainsi, la rareté des moyens de transport depuis les localités de l’hinterland amène les populations de ces quartiers à recourir à la marche à pied, faute de choix. Comme indiqué plus haut, il s’agit notamment de près du quart de la population à Baham.
L’accès aux services de base telles que l’éducation et la santé, mais aussi aux marchés, s’en trouve ainsi bien plus restreint pour les populations habitant les quartiers de l’hinterland, quand bien même l’offre en matière de structures sanitaires et éducatives serait réelle. Une analyse de l’accessibilité aux services de base établie à partir de la reconstitution cartographique de différents isochrones pour rejoindre les pôles depuis l’hinterland, a en effet permis d’identifier les zones en situation particulièrement critiques, avec des écarts entre la marche à pied et les modes motorisés pouvant atteindre des heures. Il s’agit là d’un obstacle majeur à l’éducation et à la santé notamment, y compris lorsque ces infrastructures existent bel et bien à l’échelle des pôles concernés. De même, au plan agricole, le transport des récoltes ne se fait pas toujours à la date indiquée, et des pertes en cultures peuvent s’en suivre. Dans le village Bapi à Baham par exemple, les agriculteurs ont eu en 2012 une perte en champs de 61% toutes cultures confondues, et une perte de 80% en stockage. Ce taux de perte extrêmement élevé est cependant moins important à Bahiala, relié au marché central de Baham par une voie bitumée.
NECCESSITE D’AMENAGER OU D’ENTRETENIR DES PISTES/ROUTES RURALES PRIORITAIRES
Connexion entre pôles et hinterland : pistes rurales prioritaires
Du fait des contraintes évoquées ci-dessus, la faiblesse des infrastructures routières dans le Département constitue un important frein au développement économique et social. L’aménagement et l’entretien des routes nécessite des investissements importants, pas toujours à la portée des Communes, d’autant plus si elles doivent agir isolément les unes des autres. L’étude a ainsi mis en évidence un ensemble de 225 tronçons de pistes/routes rurales qui devraient faire l’objet d’un aménagement prioritaire. Sur la base de critères d’accessibilité, il a en effet été possible d’effectuer des calculs de nombre de déplacements entre les localités de l’hinterland et les pôles de développements et, ainsi d’en déduire le poids d’émission d’un pôle par une localité de l’hinterland. L’ensemble des routes identifiées, si elles sont aménagées, contribuerait significativement à l’amélioration du cadre et des conditions de vie dans le Département.
Intercommunalité et désenclavement : la Boucle des Hauts-Plateaux
Les aménagements et entretiens ci-dessus s’inscrivent dans la perspective initiale de faciliter les déplacements des personnes et des biens entre les pôles et leurs hinterlands respectifs. En complément de ce besoin d’accès aux services et opportunités économiques de proximité, il devient également nécessaire d’établir une connectivité minimale entre les différents pôles, de renforcer l’intercommunalité et désenclaver le Département, y compris depuis les profondeurs de son territoire. En effet, il s’agit de permettre à toute personne, d’accéder à des infrastructures et débouchés économiques de meilleures qualités, au-delà des équipements et services de proximité. Cette triple préoccupation (connectivité minimale, intercommunalité et désenclavement) sera satisfaite par l’aménagement et l’entretien d’une rocade – la Boucle des Hauts-Plateaux – qui relie l’ensemble des embryons urbains du Département et permet d’accéder à la Route nationale qui mène vers Bafoussam (20km), Douala (250km), et Yaoundé (300km). Aujourd’hui bitumée par endroits, elle devra l’être à terme sur l’ensemble de ses 45km.
PLAN D’ACTIONS A METTRE EN ŒUVRE
La FDLmob propose un Plan de Mobilité, plan d’actions et guide destiné aux décideurs, pour l’amélioration de la mobilité des personnes et biens à l’échelle des Hauts-Plateaux, selon deux principaux axes, (i) l’amélioration des infrastructures de transport, et (ii) l’amélioration des services de transport. Les propositions faites concernent spécifiquement :
- L’aménagement du territoire et les infrastructures de transport : la FDLmob promeut également un Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) des Hauts-Plateaux, et souhaite contribuer à l’aménagement des voiries pour faciliter la circulation des personnes et biens, et booster le développement économique local, et mettre en place un système fiable et efficace de maintenance des routes rurales ;
- Les services de transport : la FDLmob souhaite contribuer à la réorganisation des systèmes de transport existants, en particulier les mototaxis, à l’amélioration de l’offre en aires de stationnement, et au développement de nouveaux modes de transport.
La FDLmob souhaite ainsi promouvoir un Plan de Mobilité en 10 actions:
- Elaborer un Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme dans les Hauts-Plateaux (SDAU);
- Aménager les voiries pour faciliter la circulation des personnes et biens, et booster le développement économique local;
- Mettre en place un système fiable et efficace d’entretien et de maintenance des routes rurales;
- Réorganiser les systèmes de transports existants;
- Améliorer l’offre en aires de stationnement;
- Développer de nouveaux modes de transports;
- Mettre en place une Autorité Organisatrice des Transports (AOT) à l’échelle intercommunale;
- Créer un Centre d’appels de mototaxis;
- Réaliser et diffuser un Guide de la mobilité dans le Département des Hauts-Plateaux;
- Constituer un Comité de pilotage (CP) et un Comité de Suivi (CS).
UN PROGRAMME D’INVESTISSEMENT PRIORITAIRE (PIP) POUR L’AMELIORATION DE LA MOBILITE RURALE DANS LES HAUTS-PLATEAUX
Une analyse multicritère a intégré la dimension économique (coût d’aménagement des pistes), sociale (accès aux pôles de développement à partir des quartiers) et la connectivité du réseau d’ensemble, de manière à ce qu’elle soit indépendante des choix stratégiques opérés pour la mise en œuvre du PIP. Les critères retenus (coût d’aménagement de la piste/population desservie, poids de chaque localité de l’hinterland dans l’émission d’un pôle et impact de chaque piste en termes d’aménagement du territoire) ont été appliqués à chaque tronçon préalablement identifié, selon une échelle de notation. Après pondération des critères, on obtient un classement des pistes selon leur notation globale, et on les regroupe en deux classes de priorité 1 ou, 2 dans chaque Commune.
La hiérarchisation des pistes prioritaires s’est exprimée non seulement en termes d’efficience économique, mais aussi en termes d’efficience sociale. Au final, ce sont 50 tronçons de pistes rurales, sur près de 124km, qui ont été retenues dans le PIP, pour un coût global d’aménagement et d’entretien de l’ordre de 2,2 milliards de FCFA HT. De plus, l’aménagement prioritaire de la très stratégique « Boucle des Hauts-Plateaux », qui s’étale sur 45km, a été estimé à environ 2,5 milliards de FCFA HT.
En prenant en compte l’ensemble des 10 actions promues par la FDLmob, le coût total de mise en œuvre du Plan de Mobilité est estimé à près de 6,3 milliards de FCFA HT .
@fdlmob